Abitibiwinni
: 6 000 ans d'histoire est une exposition
itinérante coproduite par trois organismes
de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue; la Corporation
Archéo-08, le Centre d'exposition d'Amos et
la Société Matcite8eia1.
Elle porte sur le développement culturel des
Abitibiwinnik2 au
cours des 60 derniers siècles, tout en
proposant une vision archéologique et
ethno-historique. Destinés à la
clientèle pan-canadienne, les textes de
l'exposition sont en français et en anglais
alors que les titres sont traduits en algonquin.
La
conception et la réalisation de l'exposition
ont été effectuées par la
firme Cinémanima
inc. La mise en valeur
de l'exposition nécessite une superficie
d'environ 160 mètres carrés.
6 000 ans d'occupation
Depuis une vingtaine d'années, des
archéologues effectuent des fouilles en
Abitibi-Témiscamingue, une région
qu'on qualifie a priori de jeune en terme
historique. Pourtant, les nombreux sites
explorés révèlent une
occupation humaine de la région d'au moins
6 000 ans. Les scientifiques s'entendent pour
dire que ces lointaines populations sont
affiliées culturellement à la famille
algonquienne. Aujourd'hui, on les nomme
Abitibiwinnik, en langue algonquine
c'est-à-dire "gens de l'Abitibi". Un premier
module d'introduction permet au public de se situer
géographiquement grâce à une
carte du continent nord-américain sur
laquelle on peut situer l'Abitibi, une carte des
sites de fouilles archéologiques de la
région ainsi qu'une carte proposant la
perception amérindienne du territoire
abitibien. Une pointe de lance datant de 2 000
à 4 000 ans av. J.-C. et une photo du
lac Abitibi marquent le départ de cette
exposition.
Trois thèmes principaux relatifs à la
mouvance dans l'espace géographique
permettent, par la suite, d'évoquer le
dynamisme de ceux qui, depuis des millenaires,
occupent la région du lac Abitibi : partir,
échanger, revenir.
Etre
nomade, partir depuis toujours
Les traces d'occupation humaine mises au
jour par les archéologues révèlent
souvent de petits campements temporaires. Le
nomadisme contribue à définir le mode
de vie des Abitibiwinnik avant l'an 500 de notre
ère. Durant la préhistoire ancienne,
ils se déplacent au fil des saisons selon la
disponibilité des ressources essentielles
à leur subsistance. Ne jamais s'enraciner,
partir sans cesse répond à un besoin
mais dénote aussi un goût certain pour
le changement.
Un réseau d'échange
dynamique
L'Abitibi-Témiscamingue se situe
à la rencontre de deux bassins
hydrographiques majeurs. Cette position
stratégique lui confère un rôle
de plaque tournante économique et
culturelle. Les populations qui s'y rencontrent
appartiennent à diverses traditions. Pour
nouer des liens, elles échangent des biens
ou concluent des alliances. La formation de
réseaux favorise l'importation et
l'exportation des marchandises qui parcourent
parfois de très longues distances. Ainsi, au
lac Abitibi, les archéologues ont
découvert un éclat d'obsidienne
taillée provenant d'aussi loin que le
centre-ouest des États-Unis.
Revenir vers les siens
S'il faut gagner son territoire de chasse
tous les automnes, si le départ est
indispensable; revenir au lieu de rencontre convenu
à chaque été, c'est affirmer
son appartenance au groupe et son attachement
à la tradition abitibiwinni. Quand
reviennent les beaux jours, les familles
abitibiwinnik se rencontrent pour
célébrer leurs fêtes
traditionnelles. Ces rassemblements estivaux sont
l'occasion de renouveler des liens sociaux
(mariages) et de sceller des alliances politiques.
Tout au long de l'année, la
spiritualité est intimement liée
à la vie quotidienne. Les Abitibiwinnik
estiment qu'ils appartiennent à la nature et
que les éléments, comme le tonnerre
ou le vent, sont des êtres animés
susceptibles de réagir à la conduite
humaine. Pour entretenir des rapports harmonieux
avec
le
milieu et prévenir le mauvais sort, on fait
appel au mandokewinni (chaman) qui sait communiquer
avec le monde des esprits et canaliser les forces
surnaturelles.
Pierre qui voyage...
Sur la rive du lac Abitibi, les
archéologues ont découvert un
éclat d'obsidienne. Cette découverte
les laisse perplexes puisqu'il n'existe aucun
gisement de cette pierre dans l'est du continent
américain. Une analyse de la fluorescence
des rayons X, réalisée en
Orégon, a permis de caractériser
chimiquement la matière première et
aussi de démontrer que cet objet avait
été extrait d'un gisement
situé à Bear Gulch, en Idaho,
à quelques kilomètres au sud-ouest du
parc Yellowstone. Une autre analyse,
réalisée par une équipe
californienne, a permis de déterminer deux
datations pour cet objet. Une première,
tirée de la face ventrale, situe le moment
où l'éclat a été
détaché de "l'objet-mère", il
y a environ 400 ans. L'autre face de l'éclat
révèle, quant à elle,
l'âge probable de l'outil originel, soit
2 000 ans. L'écart entre ces deux dates
représente-t-il le temps qu'a mis l'objet
à parcourir les milliers de
kilomètres séparant sa source de son
lieu d'abandon ? Ou encore est-il le reflet
d'une redécouverte et d'une utilisation par
les Amérindiens de l'Abitibi d'un objet
abandonné un millénaire et demi
auparavant par un de leurs ancêtres ? Une
vision fugace des premiers archéologues en
somme.
1. Le 8 dans l'alphabet algonquin a une valeur
phonétique équivalente au W anglais
(ex. : water).
2. L'utilisation du K à la fin du mot
Abitibiwinni désigne le pluriel.